La vue sur les dômes que je découvre pour la première fois sur les toits du Grand Hôtel Dieu révèle sa présence dans ma mémoire. Maintenant que je suis sur son dos je me souviens mieux de lui, sa place dans mes souvenirs se précise.
Mes parents, médecins, m’ en avaient parlé comme un lieu transformé parfois jusqu’à la défiguration : on empilait dans la salle du Grand Dôme les lits métalliques et les appareils médicaux défectueux. Dans cet immense labyrinthe imaginé par Jacques-Germain Soufflot les sans-abris se cachaient dans les combles pour dormir, délogés au petit matin par des vigiles familiers. Dans cette sorte de « cour des miracles », fonctionnait un hôpital tellement à l’étroit dans cet écrin magnifique qu’il l’avait cannibalisé.
Enfant, je partais à pieds de chez mes grands parents, à Perrache, pour aller au cinéma Le Pathé Bellecour. Je longeais la rue Victor Hugo et débouchais sur la place Bellecour. Juché sur les murets entourant la statut de Louis XIV, je voyais les dômes émerger au dessus des toits des immeubles alentour, leur donnant des allures de châteaux.
L’Hôtel Dieu me semblait alors inaccessible.
Il me faudra attendre 2015 pour qu’enfin s’offre à moi l’entièreté de sa toiture, de ses hauteurs, de ses dédales, de ses alcôves, greniers, combles et surtout de ses volumes intérieurs : la salle des crochets, les quatre rangs, la pharmacie, l’escalier d’honneur, les colonnes de la salle saint Augustin…
J’entreprenais alors l’assaut de l’Hôtel Dieu, de sa mémoire et découvrais ses méandres.